8 mars 2020 : Projet ALEFPA/La Ruche

« FANM EK NONM : KANT E KANT »

 
 
 

Le 8 mars 2020, au Théâtre autonome marron, un moment d’échanges a eu lieu entre des jeunes femmes hébergées et accompagnées par la MECS et le FJT La Ruche et le CHRS de l’ALEFPA, et des figures masculines du monde artistique, culturel et social.

 

« Fanm ek nonm : kant e kant », ce projet de partenariat entre l’ALEFPA Martinique, qui accompagne des femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants et La Ruche, qui prend essentiellement en charge un public de jeunes filles ou de jeunes femmes, prend sa source dans l’idée qu’il existe un continuum dans les violences sexistes. L’attribution de rôles, de tâches et de caractéristiques en fonction des sexes, autrement dit les stéréotypes de genre, justifient les discriminations à l’égard des femmes et légitiment la domination masculine. Ces stéréotypes sont des constructions sociales qui s’ancrent dès la petite enfance et influent sur les relations amoureuses dès l’adolescence. Aussi, à l’occasion de la Journée internationale des Droits des Femmes, les équipes des deux associations ont souhaité proposer aux jeunes femmes d’entendre la voix d’hommes, grands-pères, pères ou pairs, avec l’objectif de déconstruire ces stéréotypes de genre qui font obstacle à l’égalité Homme-Femme en proposant des modèles alternatifs de rapport homme/femme et d’identité masculine. Il s’agissait de permettre un échange libre, d’égalE à égal.

 

Marc-Antoine MARIAYE, psychologue ayant exercé au Cendra et à la Ruche, Yonni « Paille » ALPHA, chanteur et enseignant, Fabrice THEODOSE, auteur, compositeur et journaliste, Malik DURANTY, sociologue, politologue et artiste, Nedjha-Kali DASINI, lycéen, et Lionel « Chami » CHAMOISEAU,photographe. Les hommes choisis pour ce projet l’ont été à la fois pour leur position sur cette question de l’Egalité Hommes/Femmes, leur capacité à entrer en relation mais aussi pour ce que leurs fonctions, métiers et actions peuvent symboliser : le rapport à la société, à l’image, au corps, à la culture, à l’éducation, au transgénérationnel…Leur notoriété devait permettre une valorisation et une identification des jeunes filles.

Le Téat Otonom Mawon, théatre de la Croix-Mission, a été choisi en tant que lieu intimiste favorisant la parole. L’utilisation du Théâtre forum, issu des techniques de théâtre de l’opprimé d’Augusto BOAL, est apparu pertinent pour introduire et instaurer un climat propice à l’échange. Il a pour objectif de faire intervenir le public pour venir en aide à l’un.e des protagonistes qui se trouve en situation d’injustice.

En janvier, l’Observatoire des Violences envers les Femmes avait produit un questionnaire pour évaluer les stéréotypes de genre intégrés par les jeunes femmes de la Ruche et du CHRS de l’ALEFPA. Par la suite, les jeunes femmes avaient été informées, consultées et préparés par les équipes éducatives. Les « hommes » avaient également été reçu par le comité de pilotage pour leur exposer les attendus et les objectifs de ce projet.

 

Le jour J, les participant.e.s sont accueilli.e.s à 8h30. 15 jeunes femmes de la MECS, âgées de 14 à 18 ans, 6 du FJT de 18 à 22 ans, et 7 jeunes femmes de 21 à 30 ans hébergées par l’ALEFPA sont présentes. A 9h00, Frédérique DOLMEN, éducateur à la cellule d’intervention spécialisée de la Ruche, introduit la journée par une brève présentation sur le sens donné à la journée du 8 mars, Journée internationale des Droits des Femmes. Après un petit mot d’accueil de M. DELPHIN, président de la Ruche et Mme ODRY, administratrice de l’ALEFPA, Roger CANTACUZENE, chargé de mission à l’Observatoire des Violences envers les femmes et Mirella « Iwana » SORBON lancent la phase d’interactivité en faisant participer les présents à une séance de brise-glace : « le radeau » illustre la nécessité d’être attentif à ceux qui nous entourent. Sous la forme de théâtre forum, ils proposent deux scénettes sur la jalousie, l’une mettant en exergue celle de la femme, l’autre celle de l’homme, au sein du même couple. Les jeunes filles présentes ont spontanément porté secours à la femme victime de jalousie. La conversation entre les jeunes femmes et les hommes présent.e.s débute alors, animée par Fred GALVA, psychologue et directeur de l’ALEFPA Martinique. Le débat est riche et nourri, les échanges interactifs. Certaines jeunes femmes sont très impliquées, d’autres restent plus en retrait, en posture d’écoute. Sont abordées les notions d’égalité homme-femme, de rapports de force et de domination, l’importance pour chacun d’être sujet, la nécessité d’apprendre à désapprendre les stéréotypes ou des comportements contreproductifs rattachés à certaines émotions (peur de l’abandon, jalousie…), l’importance d’une éducation non genrée, tant pour les filles que pour les garçons et de la difficulté à aller outre ses préjugés. Le rôle de la musique dans la fabrique du consentement des jeunes filles à l’hypersexualisation (« le crime est parfait, la victime est consentante », dixit Paille), la masculinisation de certaines femmes sur un modèle déviant (violent) comme moyen d’assurer leur sécurité ou l’influence de certaines Eglises dans les rapports de genre inégalitaires sont également évoqués. Pour finir, des liens sont tissés entre domination de classe et domination de genre autour de la question de l’in/dépendance financière et l’immersion du matérialisme dans l’intime (le besoin de posséder, le pouvoir que certain.e.s confèrent au fait de gagner de l’argent…) est cité. Le partage se conclut autour d’un cocktail.

Au vu de la réussite de cette rencontre et de la qualité des échanges, il convient, outre les nouveaux questionnaires déjà programmés, de donner une suite à ce projet, de l’avis unanime des professionnel.le.s présent.e.s.

 

E.G.